Cela fait maintenant quelques mois que ma collègue remplaçante et moi-même venons travailler la boule au ventre. Elle est souvent prise de malaises, tandis que mon stress se manifeste par une tension artérielle avoisinant les 20 ! Mais dans
notre malheur, il me revient en mémoire une petite scène où nous avions été prises d’un fou-rire inextinguible. Ce qui était une chose rare en
cette période de gros stress que nous traversions, l’une et l’autre. Un matin,
nous trouvons dans nos casiers respectifs, une « invitation » à
suivre une formation sur la gestion de la classe. Formation d’une petite heure,
proposée à tous les nouveaux profs,
entre douze et treize heures, avec un collègue du collège, spécialisé
dans « les conflits entre élèves et professeurs ».
Soulagées
de pouvoir trouver des solutions concrètes face à nos élèves récalcitrants,
nous nous présentons à l’heure-dite dans la salle et saluons celui qui va nous
dispenser ses connaissances. L’homme est impressionnant : très grand,
costaud, barbu… Je me dis qu’avec un physique pareil, il ne doit pas être
difficile de discipliner une classe. Après
les présentations d’usage, il nous regarde, croise les bras et…ne dit
rien ! On se regarde avec Sandrine, amusées. Voyant que nous nous taisons,
il se lance :
— Je
vous écoute !
— C’est
plutôt nous qui allons vous écouter. Vous êtes censé nous aider dans la gestion
de nos classes…
— Alors,
racontez-moi vos petits malheurs !
Nos
petits malheurs ? Parce qu’il appelle ce que nous subissons depuis
plusieurs mois des petits malheurs ? Cela nous donne l’impression que
nous ne sommes pas prises au sérieux, ou plutôt que ce nous vivons n’est pas
très grave. Or, nous sommes, je le répète, toutes les deux assez mal en point, stressées,
angoissées, avec le cœur qui s’emballe à chaque fois que nous entrons dans une
classe. Nous ne vivons plus, à l’idée d’affronter certaines classes et nous
nous demandons à chaque fois ce qui va encore nous tomber sur la tête.
Nous
arrivons tout de même à lui faire part de notre ras-le-bol de ne pas pouvoir
faire nos cours dans un minimum de silence. Cela n’a pas l’air de l’étonner et
il nous dit qu’il ne faut pas nous attendre à un silence complet face aux
élèves. Précisant que le bavardage n'est pas un phénomène nouveau, qu’il remonte
à quelques décennies. Qu’il faut arrêter de croire que si nos élèves bavardent
pendant les cours, c’est de notre faute, nous les professeurs. Ce n’est ni
parce que nous n’avons pas d’autorité naturelle, ni parce que nos cours ne sont
pas de bonne qualité. Il est inutile d’avoir honte, selon notre formateur. Au
contraire, il faut en parler ! Car ce n’est pas parce les collégiens
bavardent alors que nous déroulons notre leçon, que nous sommes de mauvais
professeurs. Le bavardage est devenu un phénomène de société et nous n’y
pouvons rien. Hummmm...
Concrètement,
le formateur nous engage à ne pas noter
sur le carnet de correspondance, ni sur le bulletin scolaire, que l’élève est
bavard et n’écoute pas. Selon lui, c’est tendre le bâton pour nous faire battre
par les parents. En effet, ceux-ci ne manqueraient pas une occasion de nous
faire savoir que si leurs enfants bavardent, c’est de la faute de l’enseignant
qui ne sait pas les intéresser, que ses cours ne sont ni vivants, ni assez
captivants pour qu’ils se taisent.
D’accord,
nous voulons bien l’entendre, mais alors, que faire ? Nous devons leur
apprendre à écouter et nous ne devons pas trop exiger d’eux. Et si nous sommes
d’accord avec le fait qu’ils ne peuvent pas être attentifs huit heures par
jour, nous sommes tout de même confrontés aux bavardages dès la première heure
du matin. L’homme nous conseille de leur faire faire des exercices, avec des
moments où on écoute, et des moments où les chérubins pourront dialoguer avec
leurs voisins. Peut-être, mais personnellement, j’avais testé la méthode,
notamment du travail en groupe et le chahut avait été tel que plus jamais je
n’ai recommencé. En gros, en travail individuel, les élèves dorment ou
chahutent, en groupe, ils se déchainent. Que faire ?
Notre collègue nous précise aussi qu’il faut
mettre en place un cadre très strict, avec un système de sanctions. Histoire de
leur faire comprendre qu’en classe, on ne bavarde pas. Là aussi, j’ai testé et
comme on l’a vu, les sanctions, quand il y en a, ils n’en ont rien à faire. De vrais coups d'épées dans l'eau !
Pour
ma part, je livre au formateur qu’au premier avertissement, j'indique à
l'élève que je le changerai de place s'il continue à bavarder. Au deuxième rappel,
je le déplace, au troisième, je lui donne un devoir à faire sur place et au quatrième,
je l'exclus. Sauf que le premier point ne leur fait ni chaud, ni froid, le
deuxième, je le déplace si celui-ci veut bien s’exécuter (car je ne veux pas
passer l’heure à m’escrimer avec le récalcitrant, il y a trente autres élèves
qui attendent). Au troisième point, le devoir ne sera jamais fait. Quant au
dernier point, l’exclusion est bien souvent une exclusion
« ping-pong », puisqu’on nous renvoie l’élève s’il n’a pas mis la vie
des autres en danger. Alors, que faire ?
En tous cas, au sortir de cette "formation", un seul constat nous vient : l'homme est le roi du "parler pour ne rien dire". Champion dans sa catégorie...
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