mardi 30 septembre 2014

La punition peu constructive mais efficace quand même


Petit Feedback...Vendredi, samedi et dimanche… Je fais sonner le réveil à cinq heures du matin et prépare mes cours du lundi. J’ai quatre classes de deux niveaux différents, donc deux programmes à établir.
A trois heures du matin, je me décide à aller me coucher, exténuée. Idem pour les deux jours et deux nuits suivantes. Inutile de préciser que c’est assez fatiguée que j’entame ma première journée d’enseignement.
Mais je me réjouis d’avance de transmettre mes acquis à des élèves qui sont un peu là pour apprendre. Du moins, c’est ce que je croyais ! Et pourtant, une petite voix me disait que si cela était aussi simple que cela, cela se saurait…
Voici donc venu le grand jour pour moi. J’arrive un peu stressée, et très en avance au collège. Histoire de faire les choses tranquillement. Je me présente à l’administration qui me remet les clés de ma classe et on me conduit à celle-ci. La salle est accueillante et…silencieuse. J’apprécie le moment, tout en me familiarisant avec l’ordinateur qui est désormais installé dans chaque classe. A chaque début de cours, nous devons faire l’appel sur informatique et à chaque fin de cours, le professeur doit rendre des comptes quant à l’enseignement qu’il vient de dispenser. Sur un cahier de textes numérique, chaque enseignant doit noter ce qu’il a fait en classe, heure par heure. Cours, exercices, corrections, devoirs donnés…

Nous sommes ainsi « observés » tout au long de la journée par nos supérieurs hiérarchiques certes, mais aussi par les parents des élèves, qui peuvent et doivent même, autant que faire se peut, consulter ce cahier de textes virtuel.
 En bon petit soldat, je m'efforce de noter le plus précisément possible le déroulé de mon cours. Enfin, si on peut appeler cela un cours. Plutôt une leçon de grammaire émaillée de coupures intempestives de l'un ou l'autre des élèves, du genre : "Vous pouvez répéter, j'ai pas entendu !" ou " Vous pouvez écrire au tableau, je sais pas comment écrire tel ou tel mot !" ou encore "Madame, il m'a mordu !" etc...

Le caïd de la classe, un dadais de 15 ans, trouve hyper rigolo de m'interrompre toutes les deux minutes. Stoïque,  je me contiens et à la fin de l'heure, je lui annonce qu'il vient d'écoper d'une punition, suite au comportement qu'il a affiché pendant toute la séance. Ce à quoi, bien évidemment, il répond : "Quoi ? Mais ça va pas ? J'ai rien fait ! ". Je lui réponds que c'est justement ce que lui reproche et lui demande de copier 32 fois "Je ne perturbe pas le cours sans arrêt car cela dérange mes camarades". Et comme je m'y attendais, la maman de l'ado me dit que cette punition n'est pas méritée et que "d'abord, pourquoi 32 fois et pas 30?". "Tout simplement parce que c'est le nombre de fois que votre fils m'a interrompue en une heure!" lui répondis-je. Dont act...
Ceci dit, mais c'est entre nous hein? Je suis consciente que cette punition est un peu stupide et peu constructive, mais cela a eu le mérite de stopper les élans du collégien. Je ne dis pas qu'il n'a plus ouvert la bouche pour ne rien dire, mais cela s'est bien amélioré. C'était déjà bien...

lundi 29 septembre 2014

Rayon de soleil



Rien de marquant à signaler en cette matinée d'hiver.  A part l’épisode du jeune Benoit (qui est en 6e) que j’ai surpris avec son livre grand ouvert sur son sac, lors d’un contrôle de lecture ! Selon lui, le livre s’est ouvert tout seul et il n’a pas fait gaffe ! Je lui donne donc une punition à faire signer par ses parents et pour qu’il comprenne bien la leçon, le gratifie d’un zéro pointé. En espérant qu’à l’avenir, cela lui ôte l’envie de tricher.
Bien entendu, il inonde sa feuille de larmes et me regarde avec un air tellement misérable que je suis tentée d’alléger la sanction. Je me dis que s’il fait la punition, je reviendrai sur le zéro et le noterai en fonction du travail effectué. Mais le lendemain, lorsqu’il me présente la punition, je remarque tout de suite que la signature n’est pas authentique. Au bout de celle-ci, un petit cœur est tracé joliment ! Je demande à Benoit si ce sont ses parents qui ont signé et il me répond que oui.
    Benoit, donne-moi s’il te plait, le numéro de téléphone de tes parents et je les appellerai tout à l’heure, car j’ai comme un petit doute…
    Ben, je peux pas, ils ont changé de numéro et je le connais pas par cœur !
    Ce n’est pas grave, je vais donc les convoquer par courrier
Et je vois le gamin fondre en larmes et avouer que c’est lui qui a signé sa feuille ! Bon, je m’en doutais, mais il n’y a pas mort d’homme.  Avec le recul, je me souviens avoir moi aussi imité la signature de mes parents quand les notes étaient mauvaises et je n’ai pas fini délinquante !
Afin de couper court aux commentaires des autres  élèves, j’enchaine avec une petite dictée pas trop difficile. Et tandis que je passe entre les tables, Cédric, le plus petit élève de la classe, minuscule crête sur la tête et toujours souriant, lève la tête et me demande avec un grand sourire : « Vous avez un p’tit copain Madame ? ».
Je me retiens de rire et lui rétorque : « Parce que tu as l’intention de te mettre sur les rangs ? ».
La classe entière se marre, tandis que Cédric plonge le nez dans sa feuille, cramoisi. Mon Dieu ! Que ces petites scènes font du bien, à côté du climat de violence et des insultes que nous subissons quotidiennement face aux collégiens! C'est, comment dire ? une sorte de baume au coeur qui me fait dire que oui, le métier de professeur a aussi ses bons côtés. Mais ils sont trop rares...

Merci mille fois au dessinateur Chaunu

Comme vous pouvez le constater chers ami(e)s, le dessin illustrant ma modeste prose a changé. Ou plutôt, il a été réactualisé. Et ce grâce à Emmanuel Chaunu (par le biais de la sympathique et efficace Céline Cauchard) qui non seulement m'a donné l'autorisation d'utiliser ses dessins (pour notre plus grand plaisir), mais m'a envoyé celui que vous découvrez ce jour !

Un grand merci donc à ces deux personnes et croisons les doigts pour que ce blog réveille quelques consciences...

jeudi 25 septembre 2014

Hollywood chewing-gum


Un froid matin de janvier,  en entrant dans la classe, je trouve  une des quatre filles de 4e qui n’en faisaient qu’à leur tête, calée contre le radiateur, les pieds sur la table et mastiquant énergiquement un chewing-gum. Ma venue ne l’ayant pas fait bouger, je lui demande calmement si elle se croit au Club Med ! Ce à quoi elle répond insolemment : c’est quoi le Club Med ? Bon, laisse tomber !  me dis-je. Je la prends toutefois par le coude et l’engage à descendre ses pieds de sur la table et de se tenir correctement. « Et tu iras jeter ton chewing-gum à la corbeille ! ajoutais-je.
                -   Quel chewing-gum ? J’ai pas de chewing-gum !
  A mon regard, elle a dû voir qu’il ne fallait pas insister et s’est levée nonchalamment, très nonchalamment, en direction de la corbeille. Bien ! Je commence enfin mon cours, quand soudain, je la vois en train de mastiquer à nouveau ! Sous les rires de ses camarades…
Je sens qu’il faut que je me contienne car je suis à deux doigts de la claquer ! Elle se dirige à nouveau vers la corbeille et retourne à sa place, en mâchouillant ! Et ce, à deux autres reprises. Je l’ignore car je sais que si je poursuis, cela va très mal se terminer. 
Je comprends maintenant les enseignants qui craquent et giflent un élève, car la pression est tellement forte, que cela devient insoutenable. Je note donc sur le carnet de la demoiselle que je souhaite rencontrer ses parents le plus rapidement possible. Et rendez-vous fut pris pour le vendredi suivant.Et à l’heure dite, à 17 heures, alors que j’aurai dû terminer ma journée (le temps passé avec les parents n’est pas comptabilisé), je reçois la mère de la gamine, en présence du principal-adjoint. Ce dernier me demande d’exposer le pourquoi de cette convocation. Ce que je fais, en expliquant l’histoire des pieds sur la table et du chewing-gum. Et encore une fois, j’ai failli tomber de ma chaise lorsque le principal adjoint me demande :
    Mais le chewing-gum, c’était le même ou elle en reprenait un autre à chaque fois ?
J’hallucine… C’est vrai que cela faisait une sacrée différence ! Le même ? Pas le même ? That is the question… Je crois rêver. Eh bien ! On va aller loin avec ça. La mère finit par reconnaitre qu’elle ne sait plus quoi faire avec cette gamine et qu’elle n’en voit pas le bout. Elle prétend que sa fille se laisse entrainer par ses fameuses copines et demande au principal-adjoint qu’il la change de classe
Refus de l’homme qui lui répond que ce n’est pas possible. Résultat : la mère retire sa fille du collège et l’inscrit ailleurs ! Bien joué…Et tant pis pour les effectifs. En attendant, j’ai encore perdu une heure pour des prunes ! Une de plus…

Elle se prend pour qui ?


Mardi matin, 9 heures.  L'heure "Iceberg". C'est en effet vers cette heure-là que le gros de la classe "émerge" et dérive doucement, en passant du monde virtuel (Facebook, console de jeux) à la dure réalité. Pendant que les élèves "réfléchissaient" à l’écrit avec un exercice sur les antonymes, synonymes et paronymes, je passe au milieu des tables et m’aperçois qu’une élève a son livre d’anglais sur les genoux. Elle sursaute violemment lorsque je lui demande ce qu’elle fait  et me réponds qu’elle fait ses exercices d’anglais pour l’heure suivante. Sans un mot, je saisis son cahier que je place sur mon bureau. Elle commence à rouspéter, tout en haranguant les copines :
    Nan, mais j’hallucine, mais elle se prend pour qui ? Très calme, de mon bureau,  je lui demande de m’apporter  son carnet de correspondance. Ce qu’elle refuse de faire, tandis que sa voisine de table lui dit :
    Elle a qu’à venir le chercher !
Ce que j’ai fait. Mais lorsque je me suis approchée, la collégienne m’a carrément jeté le carnet à la figure ! Cela commençait à faire beaucoup et c’est sans aucun état d’âme que j’ai chargé le délégué de classe d’emmener l’insolente à la vie scolaire, avec quatre exercices de français à faire en prime.
Finalement, cela a calmé les autres et tandis que je m’apprêtais à poursuivre mon cours, on frappe à la porte. Décidément ! Il est dit que je n’arriverai pas à terminer. Et là, surprise ! Je vois le délégué et l’élève que j’avais sortie du cours revenir, sourire aux lèvres. Explication du délégué: «  je la ramène car on nous a dit à la vie scolaire qu’elle ne pouvait pas être exclue du cours, car elle n’avait pas mis la vie des autres en danger ! ». 
Inutile de dire que, dans ces cas-là,  l’autorité du professeur en prend un coup. Les élèves se marrent et l’abruti de service en conclut que les élèves peuvent faire ce qu’ils veulent, car de toute façon, on n’est pas puni ! Ce qui était vrai !